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Le Pianiste, l'oeuvre bouleversante de Roman Polanski

Le Pianiste, justement récompensé à Cannes, est l'histoire vraie d'un musicien juif qui survécut au ghetto de Varsovie. Roman Polanski, lui-même évadé de celui de Cracovie, a fait de cette tragédie, adaptée du livre de Wladyslaw Szpilman, une "uvre bouleversante de vérité.

Polanski: la palme de l'humanité

Les cinéastes européens, quand ils sont inspirés par un sujet à pleurer, auront toujours un avantage sur leurs immenses confrères américains: la pudeur. Devant la scène forte, la «scène à faire», ils arrêtent les violons, s'interdisent tout effet (comme le douteux suspense sous les douches d'Auschwitz qui gâchait La Liste de Schindler ), reculent, cadrent au millimètre et arrachent la peau du spectateur jusqu'au coeur. C'est ce que réussit Roman Polanski avec Le Pianiste, palme d'or au Festival de Cannes 2002. Il se trouva des critiques pour regretter le «consensuel» de ce choix par un jury présidé, «pourtant», par David Lynch, et le «classicisme» du film. Nous ignorions que le terme de classique fût devenu, au pays des vers de Racine et de la prose de Retz, synonyme de défaut majeur.

Reconstruction. Oui, deux heures et demie durant, Le Pianiste offre du cinéma classique pour conter une de ces histoires ténébreuses, inhumaines, nées du chaos des années 1940. Une histoire vraie (titre d'un film de Lynch, comme par hasard, le seul marqué du classicisme de John Ford), et que le spectateur cloué dans son fauteuil sait vraie. Cette vérité double la force des images, forcément de fiction et de reconstitution. Le mot est injuste, car pour Polanski cette époque est souvenir vivant et non «reconstitution». Polonais né en France en 1933, retourné en Pologne avec ses parents avant la guerre, Roman a vu Varsovie bombardée, il a vécu dans le ghetto de Cracovie, d'où il réussit, à 8 ans, à s'échapper.

Reconstruction serait plus juste, car avec Le Pianiste, histoire vraie d'un autre (le musicien Wladyslaw Szpilman), Polanski raconte Polanski et reconstruit une période qui l'a plus que marqué, sans doute «fait». Il dote son pianiste d'une mère (Maureen Lipman, actrice britannique au visage sublime), d'un père (Frank Finlay), comme s'il était allé chercher chez ce peuple insulaire qui sauva l'honneur de l'Europe ceux qui figureraient le mieux la noblesse de ses parents, voués à la destruction.

La réussite tient aussi à l'acteur principal, Adrien Brody, pas assez célèbre pour qu'on voie en lui une composition, assez grand comédien pour supporter, sur sa silhouette fluette, tout ce dont (le petit) Polanski veut le charger: l'instinct de survie, la chance nécessaire pour l'atteindre et la permanence de l'art. L'art: un nocturne de Chopin est interrompu dans le studio de radio qui l'emploie par une bombe tombée d'un Junkers de la Luftwaffe et reprendra à la fin, quand la guerre s'est enfuie, dans ce même studio reconstruit.

Obsession de la vérité. La vraie caméra est le regard de Brody. Le film est vu par son réalisateur à travers les yeux sombres du rescapé, par hasard, par chance, par volonté et par. l'art, cette chose si inutile au quotidien, mais qui, dans le chaos d'un monde livré à la bestialité, apporte les seules règles encore respectables et respectées. Qu'on ne s'étonne pas si le pianiste est toujours présent à l'écran, si tout est vu par lui, à travers ses divers enfermements. Le thème est cher à Polanski, enfermements physiques ou mentaux de Répulsion, Cul-de-sac, Le Locataire, La Jeune Fille et la mort, etc. Mais, de plus, cet enfermement éloigne tout effet. La destruction du ghetto, la révolte de Varsovie sont vues d'une fenêtre, d'une lucarne, avec distance donc, une distance qui épargne au cinéaste le spectaculaire (on n'est pas dans un film de guerre!), mais permet de graver en sa (et nos) mémoire (s) ce pan d'Histoire. Cette obsession de la vérité est dans le livre que Szpilman en tira à chaud dès 1946, Mort de la ville, qui fut immédiatement interdit par les libérateurs soviétiques, avant de renaître via son fils en 1988 pour devenir un best-seller sous le titre Le Pianiste (en France, chez Robert Laffont).

La vérité de l'Histoire est la vérité de l'artiste Polanski, qui a survécu au ghetto même filmé dans La Liste de Schindler, celui de Cracovie. Spielberg lui proposa de réaliser son film, Polanski refusa parce que c'était Cracovie. Il craignait que s'impose à lui le pathos de ses déchirements et de ses deuils. Le Pianiste lui permet au contraire un vrai regard (un regard vrai) sur cette période, à travers un autre jeune homme, qui lui ressemble mais ne saurait être lui, ni son frère, sinon en humanité.

Car Le Pianiste est un chant à l'humanité, cette herbe qui, comme toute herbe, perce le béton le mieux armé. Dans ce film survit un brin d'humanité. Parce qu'un homme hirsute, un véritable homme des ruines, caché dans une ville détruite, au risque de crever de faim ou d'une pneumonie, est découvert par un jeune capitaine de la Wehrmacht, et va subsister grâce à cet ennemi. Une scène de dix minutes sur un film de deux heures et demie, mais Polanski offre à l'Allemand (Thomas Kretschmann) la deuxième place au générique. Car la désobéissance aux ordres immondes face au «Juif» (il l'appelle ainsi) est la seule sauvegarde du petit brin d'humanité endormi sous la neige de Varsovie rasée. Pas de violons, là non plus, on montre, on glisse même, et pour une fois la caméra quitte Brody. Elle sort dans la rue nocturne où une sentinelle s'ennuie dans la neige sale devant la seule maison encore debout, d'où s'égrènent les notes de Beethoven que joue l'hirsute à l'impeccable officier. La nuit du monde massacré est bercée par la renaissance de l'art. Rapporté ainsi, le «symbole» paraît gros; dans Le Pianiste, il est un plan de quelques secondes. Cela suffit. Il faut si peu de temps pour dire non. Et ces fractions de minute évadées du néant permettent à une vie de se poursuivre (Szpilman est mort en 2000), à des enfants de naître de cette vie préservée et qui auront eux aussi des enfants, à un livre d'être écrit et de faire le tour du monde, à un film de prendre le relais du «non» initial, et au livre et au film de bouleverser des millions de lecteurs et de spectateurs, donc d'âmes.